Le patrimoine d'une ville ne se limite pas à ses bâtiments anciens ou à ses monuments emblématiques. Il s'agit d'une notion beaucoup plus vaste qui englobe plusieurs dimensions de notre passé et de notre présent. Une vision plus englobante du patrimoine doit inclure :
L’architecture et l’histoire locale, reflet de l'évolution de la ville à travers les siècles.
Le paysage et l’identité des habitants, ces deux éléments étant indissociables de l’histoire collective.
Les espèces végétales et animales, un patrimoine du vivant que nous devons protéger en tant qu’héritage naturel de notre territoire.
Les savoir-faire locaux, qu'ils soient encore pratiqués ou tombés dans l'oubli, car ils participent à l’identité de notre communauté.
Les us et coutumes, qui constituent un patrimoine immatériel reconnu, notamment par des institutions comme l’Unesco.
Cette approche transversale permet de comprendre que le patrimoine n'est pas une notion figée ou réservée à des monuments historiques lointains. C'est un élément qui traverse nos vies quotidiennes. Malheureusement, à Monteux, cette richesse semble trop souvent réduite à des ruines sous échafaudages. Cela reflète un traitement compartimenté du patrimoine, abordé en marge des grandes décisions de gestion urbaine, y compris lors d'investissements majeurs qui détermineront pourtant l'avenir de la ville pour des décennies.
L’échec d’une gestion compartimentée
Le manque de considération pour le patrimoine de Monteux est particulièrement flagrant dans la manière dont la ville gère ses propres bâtiments historiques. Plutôt que de prendre en main ces questions essentielles, la municipalité s'en remet à l'État pour obtenir des subventions au compte-goutte, retardant ainsi la restauration de ces édifices.
Pour l’anecdote, la municipalité, dans un élan de désespoir, a même sollicité Stéphane Bern pour financer ses travaux. Evidemment sans résultat !
Pendant ce temps, des projets d'infrastructures de grande ampleur, tels que le centre commercial de Beaulieu, sont lancés à coups de millions d'euros, sans considération pour la réhabilitation du patrimoine local. Ce déséquilibre dans les priorités montre un réel manque de vision à long terme.
L’absence de stratégie globale aboutit à des restaurations par « tranches de travaux » menées sans cohérence d'ensemble. Lors des Conseils Municipaux, il n’est pas rare d’entendre que si le patrimoine n’est pas restauré, c’est faute de subventions. Cette excuse révèle le mode opératoire et les priorités de la gestion municipale, qui préfère reporter la responsabilité sur des instances supérieures plutôt que de s'approprier la sauvegarde de son propre patrimoine.
Le patrimoine, âme des quartiers
Au lieu de traiter le patrimoine comme un enjeu périphérique, il devrait être envisagé comme un élément central dans la gestion de la ville, particulièrement dans la planification urbaine. Les quartiers de Monteux pourraient trouver une nouvelle âme à travers la valorisation de leur patrimoine historique et naturel. Par exemple, le réaménagement de la place de la Glacière a détruit l'infrastructure sous-jacente, y compris la glacière qui existait depuis des siècles. Ce manque de prise en compte du passé a conduit à l'effacement d'une partie de l'histoire de la ville, une histoire qui aurait pu être préservée pour les générations futures.
Une fois un élément du patrimoine détruit, il est impossible de le recréer, sauf à bâtir des fac-similés dépourvus de l’authenticité qui fait la richesse du lieu. Ce type de destruction contribue à l’effacement progressif de l’identité historique de Monteux.
Des pistes pour un patrimoine vivant
Pour éviter de tomber dans une telle impasse, plusieurs actions inclusives peuvent être envisagées pour revitaliser le patrimoine de Monteux :
Acquérir une connaissance fine de l’existant : un inventaire rigoureux de tout ce qui subsiste de notre patrimoine, qu’il soit visible ou invisible, est nécessaire.
Laisser des traces authentiques aux générations futures : la sauvegarde du patrimoine doit être pensée pour transmettre l’histoire aux générations à venir, afin qu’elles puissent comprendre leurs racines.
Faire du patrimoine un enjeu de qualité de vie : loin d’être un simple vestige du passé, le patrimoine doit évoluer avec son temps. Par exemple, la préservation des sources locales permettrait de garantir un accès à une eau naturelle de qualité pour les habitants, ceci implique de se confronter aux pollueurs, qui affectent la nappe phréatique de Monteux (l'usage des pesticides, rend durablement nos sources impropres à la consommation humaine).
Impliquer les habitants : une démarche participative, incluant les témoignages des anciens sur ce qui a disparu ou a marqué l’histoire du village, permettrait de réapproprier le patrimoine à l’échelle locale.
Ces pistes pourraient redonner vie au patrimoine de Monteux, en le transformant en un levier pour améliorer la qualité de vie et renforcer l’identité collective.
La politique du patrimoine à Monteux : un écart abyssal entre les discours et les actions
Si la municipalité aime à communiquer sur le patrimoine de la ville, les faits révèlent un fossé entre les promesses et les réalisations. Les monuments historiques, tels que la Tour Clémentine et la Porte Neuve, sont souvent vantés dans les discours officiels, mais leur état témoigne d’une négligence continue. La Tour Clémentine, par exemple, reste illuminée mais sans restauration majeure, malgré son classement aux Monuments Historiques depuis 1910. Les promesses de rénovation sont toujours repoussées, souvent en lien avec les échéances électorales, comme celles annoncées pour 2026.
Des initiatives comme les expositions, les balades contées, les « plaques du patrimoine » ou des projets plus modernes comme la "Micro-Folie" sont louables, mais ne compensent pas l'absence d'investissements plus conséquents dans la restauration du patrimoine ancien de la ville.
Le patrimoine des fontaines à Monteux, autrefois un élément central de l'identité historique de la ville, est aujourd'hui en proie à une gestion municipale discutable. Le réseau hydraulique ancien, qui alimentait autrefois une quarantaine de fontaines grâce aux sources du quartier Saint-Raphaël, n’en conserve plus qu'une quinzaine en activité dans le centre historique. Ces fontaines, certaines datant de plusieurs siècles, sont un témoignage du passé de Monteux qui pourrait retrouver un rôle dans le quotidien des Montiliens… Les interventions ponctuelles semblent plus destinées à rassurer qu’à répondre à une véritable ambition patrimoniale de long terme.
Quant à la fontaine sèche de la place de la République, elle illustre parfaitement l'incohérence de cette gestion. Ce projet coûteux, présenté comme un symbole de modernité, s'est rapidement révélé être un échec, la fontaine n'ayant pratiquement jamais fonctionné. Ironiquement, elle a rejailli, lors du feu de Monteux "Le Réveil du Dragon" le 23 août dernier, laissant les Montiliens perplexes face à un nouveau miracle communal.
Notre rôle et notre responsabilité : transmettre ces valeurs sûres qui ont traversé le temps.
Il est temps de passer de la parole aux actes. Monteux possède un patrimoine riche et varié, mais pour qu'il retrouve sa place centrale dans la vie de la ville, il faut cesser de le considérer comme un accessoire décoratif et une charge financière et nous soustraire à nos responsabilités de transmission.
Une vision globale, intégrant architecture, paysages, traditions et biodiversité, est indispensable pour préserver et faire vivre cet héritage, tout en l'adaptant aux défis contemporains. Le patrimoine incarne la beauté et l'harmonie d'un lieu. Il le rend unique, dans son territoire mais aussi au coeur de ses habitants. Il est un ancrage pour ceux qui vivent là pour un moment ou pour toute la vie. Lorsque le patrimoine a disparu ne restent comme "cadre de vie", que les aménagements et les infrastructures.
En guise de conclusion, nous souhaitons saluer une réalisation patrimoniale hors normes qui vient de voir son aboutissement en avril 2024. Il s’agit de la bibliothèque-musée Inguimbertine de Carpentras qui a su relier, passé, présent et futur de sa ville. Ce projet fut conçu dès le milieu des années 2000 par un conservateur visionnaire, qui s’est appuyé sur une architecture exceptionnelle en utilisant les meilleures technologies de rénovation de son temps et les moyens d’accès à l’information de notre époque. Cette réalisation architecturale et culturelle de tout premier plan a commencé à donner son plein potentiel au milieu de la décennie 2020.
Ceci est la marque d’une politique patrimoniale qui s’est élaborée dans le temps, dans une perspective de long terme avec l’objectif de servir de nombreuses générations d’usagers.
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